FARCE A FACE


huile sur bois, 122/122, 2011



La philosophie amérindienne, la vision et l’explication amérindienne du monde. Cette philosophie se développe selon deux grands axes : l’homme est le fils de la Terre (la Pachamama des Andes) à laquelle il doit tout et d’autre part, il est partie intégrante de l’Univers - même s’il n’est que minuscule poussière - dont il doit respecter les lois et préserver l’harmonie. Un philosophe aymara de Bolivie écrit : "L’homme n’est pas un être distinct de la Terre qui l’a engendré. Sa chair est Terre, son esprit est Soleil, la pensée est une étincelle de Soleil incrustée dans le cerveau humain", avant d’ajouter : "L’homme, synthèse cosmique, étincelle solaire, ne conçoit pas la naissance et la mort : vie et mort sont deux formes naturelles de la pulsation infinie du cosmos." Dans une langue plus poétique, le grand chef peau-rouge Seattle disait la même chose dans sa célèbre réponse au président des États-Unis qui, en 1855, lui proposait d’acheter les terres de son peuple : "Nous sommes une partie de la Terre et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs, le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères. Les crêtes rocheuses et la campagne verdoyante, la chaleur des poneys et des êtres humains, tout appartient à la même famille." L’Amérindien "sent" qu’il fait totalement partie du cosmos et que, donc, comme le cosmos, la vie amérindienne est infinie, éternelle, indestructible. Quant à la Terre-Mère, elle est sacrée car c’est la grande force dispensatrice de vie à travers les aliments et les choses aussi nécessaires que l’air que l’on respire, l’eau des sources et des torrents que l’on boit, le bois dont on fait le feu ou les plantes médicinales qui conservent et rétablissent la santé. Pour la Terre-Mère, pour la Pachamama, l’Amérindien éprouve une véritable piété filiale, il a des devoirs envers elle, il doit la défendre coûte que coûte si elle est maltraitée, attaquée. La résistance amérindienne se confond ainsi avec la défense de la Terre-Mère ! D’autre part, mère de tous les hommes - lesquels sont donc frères - la Terre ne peut appartenir à aucun homme en particulier. L’Amérindien, dans un souci de fraternité, lutte contre l’accaparement individuel de la source de vie. Mais chaque communauté possède - ou plus exactement, a en gérance - la terre suffisante pour la subsistance de ses membres, lesquels, bien entendu, doivent la faire fructifier, le travail prenant presque toujours des formes communautaires. Mais la terre productrice de vie, il ne faut pas la saccager, la violer, l’obliger à produire plus qu’il n’est besoin aujourd’hui car il ne faut pas léguer aux générations futures, qui ont droit à la vie, une terre ravagée, dévastée, improductive. Respect de la terre, respect de la vie sous toutes ses formes : aucune plante, aucun animal, même nécessaire à la vie humaine ne doit être sacrifié inutilement : chacun a droit à sa part de vie ! Souci écologique avant la lettre ? Cela y ressemble fort mais fait partie d’une vision du monde fort différente de l’occidentale.

Christian Rudel